Une découverte fascinante secoue les abysses : au large du Chili, un crapaud de mer « marcheur » a été observé pour la première fois par des scientifiques lors d’une expédition sous-marine. Derrière cette créature insolite, c’est tout un pan ignoré de la biodiversité profonde qui s’ouvre, porteur d’incroyables enjeux pour la préservation de nos océans.
Nuit totale à 1 500 mètres sous la surface du Pacifique Sud. Les puissants projecteurs d’un robot sous-marin découpent l’obscurité et révèlent l’inattendu : un poisson rouge vif, au corps étrange, avance à pas mesurés sur le sable profond, utilisant ses nageoires comme des membres ; sa peau semble tricotée et, devant son visage, danse un mystérieux leurre lumineux.
Cette apparition incroyable n’est pas tirée d’un récit de science-fiction, mais bien d’une plongée scientifique menée début 2024 par le navire d’exploration Falkor (too) du Schmidt Ocean Institute, au large du Chili. L’équipe de chercheurs mobilisée assiste alors à une scène inédite : celle d’un « crapaud de mer » du genre Chaunacops – un poisson-pêcheur aussi énigmatique que rare – évoluant non pas à la nage, mais en « marchant » sur ses nageoires modifiées, une stratégie qui intrigue autant qu’elle émerveille.
Ce comportement singulier, observé lors de l’exploration de monts sous-marins isolés, est loin d’être anecdotique. Il symbolise l’inventivité du vivant dans des milieux extrêmes et soulève mille questions scientifiques : comment un tel animal a-t-il adapté sa locomotion ? Quel rôle joue-t-il dans l’équilibre des abysses, ces « oasis » insoupçonnées de biodiversité ?
La mission a livré bien plus qu’une rencontre insolite : plus d’une centaine d’espèces inédites ont été recensées sur ces reliefs sous-marins, dont la plupart restent indécrites. Ce foisonnement de vie, unique et fragile, rappelle l’urgence de mieux connaître ces écosystèmes encore largement inexplorés – et de les protéger, face aux menaces croissantes que constituent la pêche profonde ou l’exploitation minière.
Partons sur les traces du poisson qui marche : une plongée au cœur du mystère, de la science et de la fabuleuse diversité de l’océan Pacifique.
Un crapaud des abysses sous les projecteurs
Ce face-à-face avec le poisson « marcheur » s’est déroulé grâce à l’utilisation d’un robot sous-marin téléopéré, ou ROV, muni de caméras haute définition et de puissantes lampes. À bord du Falkor (too), les scientifiques ont pu observer en direct les prouesses de l’animal, notant ses déplacements prudents sur le fond marin. Leur émerveillement est palpable : « Voir un poisson utiliser ses nageoires comme des pattes pour se déplacer dans les profondeurs obscures, c’est assister à la créativité sans limites de la nature, » rapporte Javier Sellanes, biologiste marin et chef de mission.
Une prouesse de l’évolution : marcher, un choix stratégique
Le crapaud de mer du genre Chaunacops appartient à la famille des poissons-pêcheurs, connus pour leur faculté à attirer leurs proies grâce à un leurre. Découvrez aussi un autre prédateur mystérieux des profondeurs, le diable noir des abysses. Mais cette espèce se distingue en adaptant ses nageoires pelviennes et pectorales pour évoluer en marchant sur le substrat. Une stratégie qui lui permet non seulement de surprendre ses proies en se déplaçant silencieusement, mais aussi d’économiser son énergie dans un environnement où la nourriture est rare et les défis nombreux. Sa peau épaisse et hérissée de structures lui offre une protection supplémentaire contre les prédateurs de l’abysse.
Les monts sous-marins : berceaux d’une biodiversité insoupçonnée
Cette rencontre bouleverse la vision que l’on avait de la faune abyssale. Loin d’être un désert, les monts sous-marins forment de véritables oasis – foisonnants de vie souvent endémique. Durant cette même expédition, les chercheurs ont recensé plus d’une centaine d’espèces inconnues de la science : anémones, crustacés, coraux géants et créatures bioluminescentes. D’autres créatures surprenantes peuplent aussi les océans : faites la rencontre d’animaux marins vraiment insolites. Chaque nouvelle observation brosse le portrait d’un écosystème aussi riche que vulnérable.
Des oasis menacées : urgence de la protection
Pourtant, ces mondes uniques sont en danger. Moins de 0,1% des 100 000 monts sous-marins connus ont été explorés, et beaucoup subissent déjà les conséquences de la pêche industrielle et des activités minières en eaux profondes. Deux seuls des monts explorés lors de l’expédition chilienne bénéficient actuellement d’une protection officielle. Protéger ces écosystèmes est crucial : leur perte signifierait l’extinction d’espèces qui n’existent nulle part ailleurs.
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Explorer pour mieux protéger : le défi des abysses
La découverte du poisson marcheur et de ses compagnons abyssaux montre combien il reste encore à apprendre sur les océans. Les expéditions telles que celle du Falkor (too) ne font qu’effleurer la surface d’un monde inconnu, révélant à chaque plongée des trésors de biodiversité et des comportements animaux jamais observés. Selon Javier Sellanes, « Chaque mont sous-marin recèle ses propres secrets, et protéger quelques sommets ne suffit pas à préserver l’ensemble de la faune et des habitats. »
La science des abysses est l’un des derniers grands champs d’exploration et d’émerveillement, mais aussi un enjeu crucial pour l’avenir. Les monts sous-marins abritent des espèces uniques, souvent incapables de migrer si leur environnement est détruit. Leur protection implique une responsabilité collective, au-delà de la curiosité scientifique, pour maintenir l’équilibre des océans et garantir la survie de formes de vie exceptionnelles.
La fascination intacte et la science en marche
Face au poisson qui marche, tout le monde devient explorateur. Cette découverte ne bouleverse pas seulement notre compréhension biologique, elle invite à l’humilité devant la complexité du vivant. Qui sait quelles autres créatures attendent d’être révélées dans les ténèbres sous-marines ? L’aventure continue, portée par la technologie et la passion des chercheurs, et chaque nouvelle expédition rappelle que la biodiversité marine est une source infinie de merveilles et d’enseignements à préserver.
Plonger au cœur du vivant
La découverte de ce poisson marcheur rappelle la part de mystère qui règne encore dans les océans. À chaque expédition, la nature dévoile une infime parcelle de son inventivité et nous invite à repenser notre lien avec le monde sous-marin. Préserver ces abîmes, c’est protéger le berceau d’innombrables espèces inconnues et laisser la porte ouverte aux émerveillements futurs. L’exploration continue : qui sait quelles autres créatures extraordinaires attendent dans l’ombre des abysses ?
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