Derrière les aquariums colorés des supermarchés se cachent des histoires de souffrance : crabes, homards et crevettes y sont vendus vivants, subissant des maltraitances souvent ignorées par la plupart des consommateurs.

Depuis quelques semaines, une grande pétition et une mobilisation inédite sur les réseaux sociaux dénoncent ce commerce et appellent à revoir ces pratiques.

Animaux marins vivants en supermarchés : pratiques commerciales et enjeux éthiques

La vente d’animaux marins vivants dans les grandes surfaces alimentaires et sur les marchés est une pratique encore autorisée en France.

Crabes, homards, araignées de mer, crevettes ou langoustines sont souvent présentés dans des viviers, maintenus en vie jusqu’à l’achat.

Cette tradition commerciale repose sur la recherche de fraîcheur, mais elle soulève de nombreuses questions sur le bien-être animal.

En 2021, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) rappelait l’absence de réglementation spécifique encadrant les conditions de captivité de ces espèces dans les points de vente, au-delà des exigences d’hygiène et de traçabilité.

Pourquoi ce mouvement suscite-t-il autant de débats ? Découvrez ici les enjeux, les faits marquants et la portée de ce combat citoyen pour agir pour la biodiversité marine.

Souffrance subie Cause fréquente Résultat
Ligature des membres Eviter les blessures entre crustacés Impossible de se mouvoir, stress, atrophies, douleurs
Bacs surpeuplés/froids Optimisation de la place, ralentir le métabolisme Affaiblissement, mort avant vente, infections
Exposition hors de l’eau Présentation sur les étals Manque d’oxygène, asphyxie partielle, stress aigu
Absence de nourriture Préserver la qualité de la chair, éviter la pollution du vivier Affamés pendant des jours, fonte musculaire
Cuisson/ébouillantage vivant Pratique culinaire courante Agonie, souffrance évitable

Loin d’être anodines, des pratiques courantes et choquantes

Conditions de détention souvent problématiques

Diverses enquêtes menées par des associations de protection animale (L214, CIWF) ont documenté les conditions de détention dans certains points de vente : viviers surpeuplés, température de l’eau inadaptée, absence d’abri, exposition à l’air libre pour certaines espèces, et alimentation inexistante pendant plusieurs jours.

Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), ces facteurs peuvent générer du stress, de la douleur et une altération du bien-être chez les crustacés. 

L’EFSA a notamment recommandé, dans un avis scientifique de 2005, d’éviter certaines pratiques comme la ligature prolongée des pinces ou l’exposition prolongée hors de l’eau, en raison de leur impact physiologique sur les animaux.

Pratiques de cuisson controversées

La cuisson à vif des homards, crabes ou écrevisses demeure une méthode courante, mais elle fait l’objet de débats croissants. Des études publiées dans des revues scientifiques comme Science ou Biology Letters ont montré que certaines espèces de crustacés possèdent des systèmes nerveux complexes capables de percevoir la douleur. En Suisse, la législation interdit depuis 2018 la cuisson de crustacés sans étourdissement préalable, s’appuyant sur ces recherches. En France, aucune mesure équivalente n’a été mise en place à ce jour.

Cadre juridique insuffisamment adapté

Le droit français reconnaît depuis 2015 les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité » (article 515-14 du Code civil).

Toutefois, cette reconnaissance ne s’est pas traduite par des mesures spécifiques pour les animaux aquatiques non vertébrés. 

Le Code rural interdit les mauvais traitements infligés aux animaux domestiques ou apprivoisés (article L214-3), mais n’aborde pas directement la situation des crustacés et mollusques commercialisés vivants.

Plusieurs rapports parlementaires ont recommandé une évolution du cadre réglementaire pour intégrer les connaissances scientifiques récentes sur la sentience des invertébrés marins.

Bien que de nombreuses études depuis les années 90 aient montré que crabes, homards, crevettes et d’autres animaux comme soutien ressentent la douleur, il n’existe toujours aucune réglementation claire pour protéger leur bien-être dans le commerce alimentaire.

Pays Vente vivante Cuisson vivante Fondement légal
Suisse Interdite (depuis 2021) Interdite (depuis 2018) Reconnait la sentience des crustacés
France Autorisée, aucune restriction spécifique Autorisée Seulement protection alimentaire (hygiène/traçabilité)
Royaume-Uni Autorisé Autorisé Lois en cours d’évolution, débats publics

Alors, pourquoi maintenir le statu quo en France ? Les pétitionnaires dénoncent cette incohérence : on tolère la souffrance animale tant qu’elle reste invisible derrière la vitre des aquariums, alors qu’il est possible d’assurer la sécurité des poissons.

Mobilisation croissante de la société civile

En 2024, une pétition lancée par une coalition d’associations a recueilli plus de 25 000 signatures, réclamant l’interdiction de la vente et de la cuisson vivantes des animaux marins dans les supermarchés.

Sur les réseaux sociaux, cette mobilisation a été relayée sous les hashtags #stopventeanimauxvivants ou #pasdansmoncaddie, accompagnée de photos et vidéos prises dans différents points de vente. Plusieurs enseignes de la grande distribution ont été interpellées par leurs clients sur le sujet, sans qu’aucune ne se soit officiellement engagée à revoir ses pratiques à ce jour.

  • La pétition rassemble plus de 25 900 signatures, avec l’objectif d’atteindre le seuil symbolique des 50 000 signatures pour forcer un vrai débat public.
  • Les enseignes visées sont taguées massivement ( @auchan_france, @leclerc, @cooperativeu, @carrefourfrance, @intermarche ), tirant la sonnette d’alarme sur la souffrance subie par les animaux qu’elles exposent.
  • Quiconque observe de telles ventes est invité à poster vidéos et photos à l’appui, accompagnés des hashtags : #animauxmarinsendanger, #pasdansmoncaddie, #stopventeanimauxvivants, #stopsupermarchemaltraitants.
  • Notre objectif est de sensibiliser le public aux conditions de vie des animaux marins captifs, d’encourager chacun à agir contre cette barbarie banalisée, et de promouvoir l’accès aux traitements antivenins universels.
Action proposée Impact attendu
Signer et partager massivement la pétition Pression sur les décideurs, ouverture du débat législatif
Publication de contenus sur les réseaux (photos, vidéos, témoignages) Visibilisation de la souffrance, prise de conscience générale
Taguer les enseignes concernées Responsabilisation directe des acteurs de la grande distribution
Informer et faire discuter son entourage Faire basculer les habitudes d’achat et les perceptions

Pour un changement collectif : repenser nos achats, refuser l’indifférence

Les discussions autour de ces pratiques s’inscrivent dans un débat plus large sur la place accordée au bien-être animal dans les filières alimentaires. Des chercheurs, éthologues et juristes appellent à une meilleure prise en compte de la sentience des espèces aquatiques, et à la mise en place de règles minimales encadrant leur détention, leur transport et leur mise à mort.

Si certains pays comme la Suisse ou la Norvège ont déjà légiféré en ce sens, la France reste à ce jour en retrait sur ce plan. L’évolution de la législation pourrait dépendre de la mobilisation citoyenne et des initiatives parlementaires à venir.

Chaque signature, chaque partage, chaque question posée à un vendeur ou à un proche, sont des petits actes de résistance qui, une fois réunis, peuvent enclencher une dynamique de fond. La vente vivante des animaux marins ne concerne pas que les grandes enseignes : elle aborde la question du respect, de la responsabilité individuelle et collective, et de la place que nous accordons à la sensibilité au sein du vivant.

  • Apprendre à dire non à la souffrance déguisée en saveur ou en tradition.
  • Exiger des lois qui protègent vraiment, et pas seulement quand cela arrange la logistique ou le marketing.
  • Mettre en lumière ce que la culture alimentaire a passé sous silence pendant des années.
  • Oser la remise en question de nos habitudes pour évoluer vers un rapport apaisé et éthique à la nourriture.

Une société qui tourne le dos à la souffrance de ceux qui ne peuvent pas hurler haut et fort, n’est pas une société moderne. C’est peut-être le moment de s’emparer du débat, un débat qui vient de la base, porté par tous, pour un nouveau regard sur ce que nous acceptons derrière les vitrines, et dans nos assiettes.

Sources (consultées en juillet 2025)