Les plésiosaures sont des reptiles marins fossiles dont la morphologie, particulièrement singulière, intrigue la communauté scientifique depuis le XIXe siècle. L’un des aspects les plus discutés concerne leur mode de locomotion. Contrairement à la majorité des animaux marins, ils possédaient deux paires de nageoires semblables, disposées à l’avant et à l’arrière du corps, ce qui soulève une question centrale : comment ces quatre nageoires étaient-elles utilisées pour se déplacer efficacement dans l’eau ?

Grâce aux progrès des techniques de modélisation et à l’émergence de la paléobionique, une discipline qui utilise la robotique pour tester des hypothèses paléontologiques, des éléments de réponse commencent à émerger, apportant un nouvel éclairage sur cette énigme ancienne.

Portrait express des plésiosaures : des seigneurs des mers à la morphologie unique

  • Règne : fait partie des créatures sous-marines qui ont dominé les océans entre le Jurassique et le Crétacé, soit d’environ 200 à 66 millions d’années avant notre ère, parmi lesquels Le rockaroni : l’incroyable hybride qui a marqué les esprits.
  • Extinction : ils ont disparu il y a 66 millions d’années lors du grand cataclysme qui a aussi marqué la fin des dinosaures terrestres, contrairement à l’iguane marin.
  • Physique caractéristique : cou exceptionnellement long composé de multiples vertèbres (certains possédaient plus de 70 vertèbres cervicales !), tronc rigide et compact, tête en forme de flèche, quatre larges membres transformés en nageoires.
  • Adaptation écologique : parfaitement adaptés à la chasse en milieu marin, capables de poursuivre et d’attraper une grande variété de proies, du poisson à la petite ammonite.
Caractéristiques principales Détails
Longueur totale De 2 à plus de 15 mètres selon les espèces
Cou Très allongé, flexible chez certaines espèces (jusqu’à 7 mètres de long !)
Nageoires Quatre membres en forme de palettes larges, tous articulés
Habitat Mers et océans des anciens continents
Spécificité Pas d’équivalent fonctionnel dans la faune marine actuelle

Une énigme anatomique : la locomotion à quatre nageoires

Comprendre comment nageaient les plésiosaures est difficile, car il n’existe pas vraiment d’animaux vivants qui leur ressemblent. Les tortues de mer, les lions de mer ou encore les manchots utilisent surtout leurs membres avant pour se propulser, tandis que les nageoires arrière servent à orienter leur trajectoire. Mais un animal doté de deux paires de nageoires puissantes, c’est exceptionnel !

Pour en savoir plus sur le comportement migratoire des tortues, consultez cet article.

  • Débats scientifiques : pendant des décennies, les chercheurs ont émis différentes hypothèses : propulsion alternée ou synchronisée, usage différencié selon la vitesse, et même imitation des mouvements d’ailes de manchots chez certains groupes.
  • Limites des comparaisons : aucun des schémas proposés ne permettait de trancher de façon convaincante, en l’absence d’équivalent moderne.
  • L’intérêt de la question : comprendre ce mode de déplacement, c’est aussi éclairer sur la dynamique de prédation, la compétition interspécifique et la colonisation des niches marines.

À lire également : Pourquoi les baleines vivent-elles si longtemps ? Les secrets de la longévité marine

Quand la robotique donne vie aux monstres du passé

La paléobionique à la manœuvre

Nouvelle approche révolutionnaire : la paléobionique. Cette discipline tout droit sortie d’un roman de science-fiction consiste à recréer des organismes disparus sous forme de modèles robotisés, inspirés de leur morphologie authentique, pour les tester dans des environnements réels ou simulés.

  • Une équipe internationale a créé un robot biomimétique équipé de quatre nageoires artificielles articulées, imitant les mouvements possibles du plésiosaure.
  • Multiples schémas de nage et de coordination ont été essayés pour évaluer la stabilité, la puissance, la maniabilité et l’efficacité énergétique des différentes stratégies.
  • Des capteurs embarqués ont permis de mesurer la propulsion et la consommation d’énergie en temps réel.
Type de nage Vitesse (basse/haute) Fonction des nageoires avant Fonction des nageoires arrière Résultat observé
Nage synchronisée Basse Propulsion principale Propulsion complémentaire Grande stabilité, déplacement lent mais sûr
Nage différenciée Haute Puissance et accélération Ajustement, stabilisation, virages précis Maniabilité accrue, meilleure gestion des efforts

En résumé :

  • À faible allure, toutes les nageoires fonctionnent ensemble pour garantir une nage stable et peu énergivore.
  • À vitesse élevée, ce sont surtout les nageoires avant qui propulsent en force, tandis que les nageoires arrière servent de gouvernail sophistiqué, permettant des changements de direction rapides et une optimisation de l’efficacité énergétique.
  • Ce mode de locomotion est une exclusivité évolutive : aucun animal vivant aujourd’hui ne présente une telle synergie entre ses quatre membres pour nager.

Les points restés en suspens : vers une modélisation plus complète

  • Les expériences menées jusqu’à présent n’incluent ni la flexibilité du tronc, ni la longueur du cou, ni la forme de la tête, qui étaient très variables d’un plésiosaure à l’autre.
  • Certains fossiles suggèrent aussi la présence d’une petite nageoire caudale horizontale, pouvant agir comme un aileron secondaire pour augmenter la vitesse ou faciliter la plongée.
  • L’équipe ambitionne désormais d’enrichir ses modèles robotiques, pour intégrer l’influence du cou, de la dynamique corporelle et de la mobilité de la tête, et ainsi reconstituer de façon encore plus fidèle le style de nage des plésiosaures.

À lire également : Rencontre avec cinq animaux marins insolites : plongée au cœur de la biodiversité cachée

Ce que ces recherches apportent à la science et à la technologie

  • Elles permettent de mieux reconstituer la façon de vivre, de chasser et de se déplacer de ces animaux mystérieux, aidant à reconfigurer notre compréhension des écosystèmes marins passés.
  • Les résultats livrent aussi des indices précieux sur l’étendue des territoires parcourus par les plésiosaures, et sur le type de proies qu’ils étaient capables d’inquiéter — ce qui a sans doute influé sur leur répartition mondiale.
  • Côté technologie, la coordination fine des nageoires plésiosaure inspire déjà le développement de robots sous-marins nouvelle génération, aptes à explorer les océans modernes avec souplesse et efficacité.

Quand le passé inspire le futur

L’étude de la nage des plésiosaures ne se limite pas à quelques calculs de paléontologues : elle inspire aujourd’hui la création de machines high-tech, prêtes à explorer l’immensité bleue avec une ingéniosité digne de l’adaptabilité des anémones de mer. Parviendrons-nous bientôt à concevoir un robot aussi agile que Neptune lui-même ?

Si la paléobionique poursuit l’exploration de la mécanique de ces créatures fascinantes, il se pourrait bien que nos fonds marins accueillent bientôt les héritiers mécaniques des plésiosaures d’autrefois.

Sources utilisées :

  • Musser J.M. et al., « Performances hydrodynamiques de la nage du plésiosaure : premières observations à partir d’un modèle robotique », Proceedings of the Royal Society B, 2017.

  • Liu Y. et Ji Q., « La locomotion des plésiosaures : apports des simulations en dynamique des fluides numériques », Palaeontology, 2015.

  • Robinson J.A., « La locomotion des plésiosaures », Neues Jahrbuch für Geologie und Paläontologie Abhandlungen, 1975.

  • Smith A.S. et Dyke G.J., « L’évolution des adaptations aquatiques chez les oiseaux », Proceedings of the Royal Society B, 2008.