Des chercheurs parcourent la baie de Saint-Malo et la Rance pour recueillir l’ADN laissé par les habitants de la mer, révélant ainsi les mystères de la biodiversité locale sans perturber les animaux.
Cette mission scientifique innovante, qui s’appuie sur des techniques de pointe respectueuses du vivant, offre un nouveau regard sur les écosystèmes aquatiques et s’intéresse aussi au comportement social des loutres marines.
Une expédition scientifique sur les eaux de Saint-Malo
À bord du navire La Korrigan, appartenant au Museum national d’histoire naturelle, une ambiance mêlant excitation et rigueur s’installe naturellement. L’équipe embarquée, composée de chercheurs aux profils variés, partage la même passion pour la compréhension de la vie aquatique.
Erwan Quéméré, l’un des spécialistes, résume l’atmosphère sur le pont : « On travaille dur, mais honnêtement, il existe des bureaux bien moins agréables. »
Tandis que le navire longe la côte de Saint-Malo, la Rance et les abords de Dinard, zone réputée pour ses échanges entre mer et eau douce, l’observation du comportement des goélands s’ajoute à la richesse des découvertes.
- L’expédition s’inscrit dans le cadre d’un programme lancé à la station marine de Dinard, centre névralgique de la recherche sur les milieux côtiers.
- Plusieurs sorties en mer sont programmées, afin de couvrir différentes zones et conditions hydrologiques.
- Les conditions météorologiques idéales du jour favorisent une collecte précise et efficace.
Les scientifiques profitent de la stabilité de la mer pour lancer leurs opérations de prélèvement, un ballet millimétré entre navigation, manipulation de matériel délicat et protocoles de prélèvement rigoureux.
Des dispositifs innovants pour capter l’invisible
Un des éléments-clés de la mission réside dans les outils utilisés. Ici, pas d’immenses filets ni de plongeurs à l’eau, mais des prototypes de torpilles sophistiqués :
- Chaque torpille emporte à son bord des dispositifs de filtration capables de capturer de minuscules fragments d’ADN dissous dans l’eau.
- Les échantillons sont prélevés à différentes profondeurs et emplacements pour obtenir une cartographie précise de la biodiversité.
- L’extraction de l’ADN s’effectue plus tard, en laboratoire, à partir des filtres rapportés à quai.
Appareil utilisé | Fonction | Bénéfice principal |
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Torpille de prélèvement | Filtration de l’eau sur trajectoire sous-marine | Collecte d’ADN sans perturber l’environnement |
Filtre haute précision | Récupérer les fragments d’ADN libres dans l’eau | Détection fine, même en l’absence d’animaux visibles |
Matériel de conservation portable | Maintien des échantillons à température contrôlée | Préservation de la qualité de l’ADN jusqu’à l’analyse |
Grâce à cette panoplie, aucune créature n’a besoin d’être manipulée ni déplacée… Il suffit d’‘écouter’ l’eau et ce qu’elle raconte sur ses occupants !
La méthode eDNA : une révolution douce pour étudier l’écosystème
Qu’est-ce que l’eDNA ? Un ensemble de minuscules restes biologiques (cellules, mucus, écailles, excréments, peaux mortes…) libérés dans l’eau par chaque animal ou plante. Invisibles à l’œil nu, ces traces deviennent lisibles et précieuses à l’ère de la biologie moléculaire.
- Cette approche évite la capture et limite fortement la perturbation du milieu naturel.
- Elle ouvre la voie à une surveillance à la fois large et fine, couvrant aussi bien les espèces abondantes que les plus rares ou discrètes.
- Les chercheurs peuvent détecter la présence de baleines ou de poissons migrateurs sans en observer directement un seul spécimen lors du prélèvement.
Le grand intérêt de l’eDNA, c’est aussi la surveillance des zones de transition : là où l’eau douce et l’eau salée se mélangent, la composition des espèces fluctue et renseigne sur la santé écologique du secteur.
Espèces ciblées | Raison de l’analyse | Informations recherchées |
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Poissons marins | Etudier la composition des stocks, observer les migrations | Présence, abondance, espèces en danger |
Mammifères marins | Surveiller la fréquentation invisible de la baie | Passage de baleines, dauphins, phoques |
Espèces d’eau douce | Vérifier la coexistence ou le recul face à l’influence marine | Signal d’alerte sur la qualité écologique des estuaires |
Toutes ces informations affluent au laboratoire, où débute alors le séquençage : une étape un peu longue, nécessitant plusieurs semaines pour livrer ses résultats.
Une mission au service de la biodiversité locale et de la science
L’étude de l’ADN environnemental ne s’arrête pas à la curiosité scientifique. Elle a un impact concret sur la façon dont on surveille — et protège — la biodiversité.
- Retourner régulièrement sur zone permet d’établir un suivi : la disparition ou l’arrivée soudaine d’espèces peut signaler des problèmes (pollution, changement climatique, introductions accidentelles…)
- L’évolution de la composition des communautés marines et dulçaquicoles (eau douce) offre une image instantanée de la santé du milieu.
- Les gestionnaires d’aires protégées, pêcheurs, collectivités locales pourraient à terme exploiter ces données comme outils d’aide à la décision.
- Déjà utilisée dans d’autres régions du monde, cette méthode confirme la capacité de la baie de Saint-Malo à accueillir des recherches scientifiques majeures, tout en soulignant l’importance de la faune locale.
- Les résultats attendus orienteront de futurs plans d’action concernant la préservation d’espèces emblématiques ou menacées.
L’objectif est de bâtir une cartographie fidèle, dynamique et continue de la biodiversité, pour agir avant qu’il ne soit trop tard.
La promesse d’une science attentive et d’un avenir marin réinventé
L’ADN flottant, silencieux, ouvre de nouvelles perspectives pour protéger, comprendre et aimer la mer. Grâce à quelques prélèvements, les scientifiques de la baie de Saint-Malo dévoilent un récit peuplé de poissons, de cétacés, de migrations invisibles et d’équilibres fragiles, tout en contribuant à un avenir plus conscient pour la biodiversité locale. Pour en savoir plus sur les mystères marins, découvrez Abysses et leurs secrets.