Autrefois synonyme de pollution et de disparition de la faune, la Seine renaît silencieusement au cœur de la capitale. Études récentes et témoignages passionnés révèlent un retour spectaculaire des poissons, symbole d’une reconquête écologique en pleine ville.
Sur la berge du Pont-Neuf, un pêcheur novateur observe sa ligne avec une vigilance nouvelle, car il n’est plus rare, ces dernières années, d’y capturer une brème, un chabot ou même un jeune brochet. À quelques pas de Notre-Dame, les remous de la Seine abritent désormais des vies insoupçonnées, témoignant d’un fleuve en pleine guérison.
Longtemps comparée à une artère malade, asphyxiée par des décennies de pollution industrielle et urbaine, la Seine était devenue, dans l’imaginaire collectif, un cours d’eau sans âme, déserté par sa faune d’antan. L’histoire semblait écrite : extinction des espèces emblématiques, eaux troubles et irrespirables, y compris dans le cœur battant de Paris.
Mais la tendance s’inverse. Grâce au travail patient des agences de l’eau, des chercheurs et des associations naturalistes, de premiers signes encourageants émergent dès les années 2010. Aujourd’hui, des études du SIAAP dressent un tableau inédit pour 2025 : la diversité et l’abondance des poissons progressent, avec le retour de nombreuses espèces jamais revues depuis des décennies.
Comment cette métamorphose écologique est-elle devenue possible dans une métropole si densément peuplée ? Quels secrets révèle la reconquête des eaux parisiennes sur notre rapport à la nature en ville ? Plongée au fil de la Seine, à la rencontre de ses nouveaux habitants et de ceux qui la surveillent, la restaurent, et la célèbrent jour après jour.
De fleuve pollué à paradis des poissons : la Seine revient à la vie !
Aux portes de Paris, la Seine porte la mémoire d’une crise écologique majeure. Jusqu’aux années 1970, ses eaux étaient devenues le réceptacle des rejets urbains et industriels, plombant la biodiversité et transformant le fleuve en égout à ciel ouvert. Les espèces emblématiques qui faisaient autrefois la fierté des pêcheurs — brochets, chabots, barbeaux, anguilles — se font alors rares, victimes d’une chute de l’oxygène et d’une pollution envahissante.
Les anciens se souviennent encore de ces « grandes marées noires » qui recouvraient la surface du fleuve, de la disparition des poissons et de l’odeur âcre, persistante, des lendemains d’orage.
La mobilisation collective et institutionnelle a été déterminante. Dès les années 1980, l’État et les collectivités lancent la grande opération de dépollution : création du SIAAP, construction de stations d’épuration géantes, modernisation du réseau d’assainissement et campagne de sensibilisation. Les associations écologistes et les chercheurs rejoignent le mouvement, orchestrant restoration de berges, suivis biologiques annuels et communication auprès des riverains.
| Période | Événement clef |
|---|---|
| 1960–1975 | Pollution maximale, mortalité piscicole, biodiversité en danger |
| 1980–2000 | Lancement du SIAAP ; construction de stations d’épuration |
| 2010–2025 | Reconquête écologique : retour et diversification des espèces |
- La quantité d’azote ammoniacal a été divisée par dix
- Les germes fécaux ont diminué de 95 %
- L’indice poisson rivière place la Seine en « bon état écologique »
- En 2023, 36 espèces de poissons recensées
Cette renaissance de la Seine est le fruit d’une stratégie patiente : chaque mesure de dépollution apporte son lot de progrès, et le fleuve semble enfin retrouver ses couleurs et ses habitants.
Le suivi scientifique : quels poissons peuplent la Seine aujourd’hui ?
Le rebond de la biodiversité s’accompagne d’une enquête scientifique de plus en plus précise. Chaque année, le SIAAP et l’Office Français pour la Biodiversité mènent des campagnes de recensement piscicole : pêche électrique, analyse d’ADN environnemental, observation par caméras immergées… rien n’est laissé au hasard. Quatorze sites entre Seine et Marne constituent le terrain d’étude et permettent de cartographier la faune au fil des saisons et des années.
- Brochet : espèce exigeante, indicateur de qualité
- Chabot : de retour après des décennies d’absence
- Vandoise, carpe, perche, silure : populations en nette augmentation
- Gobies, gardons, barbeaux : témoins de la diversité retrouvée
Aujourd’hui, la Seine compte jusqu’à 40 espèces de poissons, soit le double des années 1990. Les résultats révèlent une véritable mosaïque de populations — jamais aussi nombreuse et variée depuis plus de 50 ans.
« La réapparition d’espèces naguère disparues atteste non seulement de la réussite des politiques publiques, mais aussi de la capacité de la nature à rebondir lorsque les conditions sont enfin réunies. »
Les inventaires confirmés par les technologies de pointe et la vigilance citoyenne illustrent ce renouveau écologique. À chaque campagne, pêcheurs et scientifiques découvrent des milieux restaurés, parfois colonisés par des espèces rares, témoignant d’une Seine redevenue vivante et surprenante.
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Pourquoi la Seine séduit-elle à nouveau les poissons ?
Le retour de la faune aquatique dans la Seine repose sur trois leviers majeurs :
- Diminution des polluants : Le traitement intensif des eaux usées et la baisse drastique des rejets industriels ont permis à la Seine de retrouver un niveau d’oxygène propice à la vie. La concentration de substances toxiques (ammonium, phosphates, azote) a chuté, et l’eau du fleuve permet désormais à des espèces sensibles, telles que le chabot ou la truite de mer, de recoloniser leur habitat originel.
- Réhabilitation des berges et création de zones refuges : La restauration écologique des berges, la diversification des substrats et la plantation de ripisylves offrent des abris et espaces de reproduction pour de nombreuses espèces. À Vaux-sur-Seine ou Epinay-sur-Seine, par exemple, un programme de renaturation crée des corridors verts entre espaces protégés, favorisant les allers-retours migratoires des poissons et d’autres espèces aquatiques.
- Gestion des épisodes extrêmes : Face à la canicule ou aux crues, des campagnes de surveillance et d’oxygénation sont déployées par le SIAAP. Quatre « îlots d’oxygénation » assurent un maintien du taux d’oxygène même lors des fortes chaleurs, évitant la mortalité des animaux les plus sensibles.
« La qualité de l’eau n’a jamais été aussi bonne qu’aujourd’hui, mais il faut rester vigilant face aux épisodes extrêmes et au changement climatique. »
| Facteur | Conséquence sur la biodiversité |
|---|---|
| Diminution des polluants | Augmentation de la richesse spécifique, retour d’espèces disparues |
| Zones refuges et ripisylves | Favorise la reproduction et la survie des jeunes poissons ; effet corridor |
| Gestion des extrêmes (canicules, crues) | Maintien du taux d’oxygène, limitation de la mortalité |
L’importance des corridors écologiques urbains n’est plus à démontrer : la continuité entre fleuve, affluents et plans d’eau annexes permet aux poissons migrateurs (comme l’anguille ou la grande alose) de retrouver leurs voies ancestrales, indispensables à la résilience des populations.
La Seine, nouveau hotspot de biodiversité en plein cœur de Paris ?
La Seine accueille aujourd’hui des espèces emblématiques et parfois inattendues.
- Brochet : Indicateur de milieux sains, il marque le succès de la reconquête écologique.
- Chabot : Sa présence signale une eau redevenue pure après un demi-siècle d’absence.
- Perche, gardon, carpe, silure : Ensemble, elles dessinent un tableau vivant, témoin de la diversité retrouvée du fleuve.
De nouvelles pratiques se développent au cœur de la capitale : pêches sportives responsables, observation citoyenne et clubs de passionnés participent au suivi et à la valorisation de ce patrimoine aquatique. Paris, métropole dense, devient ainsi un modèle de résilience où l’écologie urbaine offre une place renouvelée à la nature — une Seine désormais vectrice de lien social et de richesses écologiques, partagées par ses habitants.
« Observer un brochet sous le pont de Grenelle ou une carpe dans les remous du Jardin des Plantes, c’est redécouvrir le fleuve mais aussi la ville. Paris se vit désormais du pont à la berge ! »
Les défis restent nombreux : préserver la qualité des eaux, communiquer sur les enjeux de biodiversité, soutenir les associations et inventer une ville où les poissons et les citadins se partagent l’espace, aujourd’hui et demain.





