Les baleines boréales peuvent vivre plus de 200 ans, les requins du Groenland dépasser les 400 ans, et certains coquillages marins comme l’Arctica islandica atteindre les 500 ans.

Comment expliquer une telle longévité dans le règne animal, en particulier chez les espèces marines ?

Les avancées scientifiques récentes apportent un éclairage nouveau sur ce phénomène, remettant en question certaines hypothèses classiques sur le vieillissement.

Longévité marine : une affaire d’évolution, de métabolisme et de génétique

Des études récentes en biologie comparative et en génomique montrent que plusieurs facteurs interdépendants expliquent la durée de vie exceptionnelle des animaux marins :

Un métabolisme lent et un environnement stable

De nombreuses espèces marines de grande longévité vivent dans des eaux froides, profondes, peu exposées aux variations saisonnières.

Ces conditions ralentissent leur métabolisme basal, ce qui réduit la production de radicaux libres, molécules impliquées dans le vieillissement cellulaire.

C’est le cas du requin du Groenland  (Somniosus microcephalus), dont le rythme cardiaque est l’un des plus lents parmi les vertébrés, et qui atteint la maturité sexuelle après plus de 100 ans.

 

Une étude publiée dans Science (Nielsen et al., 2016) a estimé l’âge d’un spécimen à 392 ans, ce qui en fait le plus vieux vertébré connu.

 

 

Des mécanismes cellulaires de réparation très efficaces

Les baleines boréales (Balaena mysticetus), capables de vivre plus de deux siècles, présentent des mécanismes uniques de résistance au cancer et à la dégénérescence cellulaire.

Pour en savoir plus, consultez notre article : Pourquoi les baleines vivent-elles si longtemps, les secrets de la longévité marine

Leur ADN est plus stable que celui d’autres mammifères, et leurs cellules expriment des gènes impliqués dans la réparation de l’ADN, la suppression des tumeurs et la réduction du stress oxydatif.

 

En 2020, des chercheurs ont séquencé le génome de la baleine boréale et mis en évidence plusieurs mutations favorables à la stabilité génétique (Nature Communications).

 

Des stratégies de reproduction tardives et une croissance lente

La longévité est souvent associée à une maturité sexuelle tardive et à une reproduction espacée dans le temps.

Ce schéma est typique chez les espèces soumises à peu de prédateurs adultes, où l’évolution a favorisé la survie sur le long terme plutôt qu’une reproduction rapide.

Cette stratégie, appelée K-stratégie, est fréquente chez les grands mammifères marins.

Découvrez ce géant des mers qui intrigue tant les chercheurs.

Pourquoi ces espèces vieillissent-elles si lentement ?

Ce phénomène s’explique en partie par ce qu’on appelle la théorie du vieillissement programmé, selon laquelle certaines espèces ont évolué pour maintenir plus longtemps la stabilité de leurs tissus et organes.

Chez les cétacés et les requins longévifs, les cellules vieillissent très lentement, les télomères se dégradent moins vite et la prolifération cellulaire reste sous contrôle, même à un âge avancé.

 

En revanche, chez les espèces terrestres à courte durée de vie (comme les rongeurs), la reproduction précoce et rapide est favorisée au détriment de la longévité.

 

Une énigme biomédicale prometteuse

Comprendre pourquoi certains animaux marins vivent si longtemps intéresse les chercheurs dans le domaine de la médecine humaine.

Les travaux sur le génome des baleines, des requins et des bivalves ouvrent des pistes pour mieux comprendre les mécanismes du vieillissement, de la résistance au cancer ou encore de la régénération cellulaire.

 

La longévité exceptionnelle d’Arctica islandica (palourde d’Islande) intrigue particulièrement, car elle combine un métabolisme minimal, une division cellulaire ralentie et une accumulation très lente des dommages oxydatifs.

 

Ce que nous dit la science aujourd’hui

La longévité des animaux marins résulte d’un ensemble de facteurs évolutifs, biologiques et environnementaux qui agissent en synergie.

Si les chercheurs n’ont pas encore percé tous les secrets de cette longévité hors norme, ils s’accordent sur un point : ces espèces ont développé au fil du temps des adaptations uniques qui ralentissent le vieillissement et prolongent la vie au-delà de ce que l’on observe chez la plupart des vertébrés.

Sources scientifiques utilisées :

  • Nielsen et al., Science, 2016 – « Eye lens radiocarbon reveals centuries of longevity in the Greenland shark »

  • Keane et al., Cell Reports, 2015 – « Insights into the biology of aging from the bowhead whale genome »

  • Philipp et al., Mechanisms of Ageing and Development, 2008 – « Physiological aging in the Icelandic clam Arctica islandica**